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Catherine Volpilhac-Auger et Michel Delon, éditeurs scientifiques de Denis Diderot

Le Neveu de Rameau

Découvrez toutes les réponses de Catherine Volpilhac-Auger et de Michel Delon sur l'étude de l'œuvre de Diderot au lycée, à l'occasion du tricentenaire de sa naissance.



Au sommaire : l'interview - Catherine Volpilhac-Auger et Michel Delon - les ouvrages de Diderot au programme du lycée

L'interview

1) Qu'est-ce que l'homme, selon Diderot ? Est-il libre ou déterminé ? (Yoann M., Melay)

Catherine Volpilhac-Auger : Vaste question… Diderot n’aurait jamais écrit s’il avait pensé que l’homme, à commencer par lui-même, n’était pas libre – par rapport à Dieu d’abord, c’est une évidence, mais aussi par rapport à la société. Toute son œuvre montre qu’il veut libérer ses concitoyens, ou habitants du même monde, des habitudes de pensée ; et pour lui, il n’y a pas pire habitude de pensée que celle qui vous soumet à un ordre préétabli, notamment celui de la religion, et vous fait obéir. Mais l’homme reste déterminé par la physiologie (tout le xviiie siècle considère que l’homme vit en interaction avec le milieu dans lequel il vit) et par son éducation (la nature humaine, dans une certaine mesure, est malléable) notamment. Est-il pour autant « déterminé », pour ainsi dire dans l’absolu ? Le terme serait excessif.

Michel Delon : L’homme est pour Diderot un animal intelligent et social qui est déterminé par son corps, son éducation, les conditions dans lesquelles il a vécu, les relations avec ses proches et qui peut prendre conscience de tels déterminismes, donc jouer d’une marge de liberté. Voyez la liberté que sait se donner Jacques, domestique socialement brimé dans sa liberté et philosophiquement adepte d’un «fatalisme» simpliste.

2) La sagesse est-elle valorisée par Diderot et, si oui, quelle forme de sagesse en particulier ? (Anne G., Le Mans)

C. V.-A. : Ce pourrait être la sagesse de Socrate. Celle qui se nourrit de questions, de doutes, qui aime aussi recourir à l’ironie – mais pas au sens du persiflage ou de la double entente : celle qui aide à se défier des idées toutes faites et à construire la vérité. C’est aussi celle qu’évoque le Prospectus de l’Encyclopédie, « la fonction pénible et délicate de faire accoucher les esprits », pour traduire en mots une expérience, un savoir-faire que possèdent les artisans et qui ne pourrait être communiqué autrement.On peut aussi penser à celle qui se dégage à la fin de sa vie, quand il revient sur la place du philosophe dans la cité, ou plutôt auprès du prince, avec l’Essai sur la vie de Sénèque qui devient l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron : le philosophe est au contact de la société, ce n’est pas une sagesse pour ainsi dire « retirée » du monde. C’est en tout cas une sagesse qui n’est pas incompatible avec l’enthousiasme. Peut-on parler de « sagesse enthousiaste » ? Osons l’oxymore.

M. D. : Il faut distinguer le jeune apologiste des passions fortes dans les Pensées philosophiques et l’auteur vieillissant de l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron, près de quarante ans plus tard. Mais les révoltes de l’homme mûr sont les mêmes que celles du premier Diderot, fougueux et volontiers scandaleux. Elles visent les institutions qui emprisonnent les individus au nom de préjugés, de bienséances. La sagesse de Diderot consiste à se méfier de tous les systèmes, de tous les discours qui deviennent «langue de bois» (dans notre vocabulaire). Elle donne sa confiance aux émotions simples et au sens de la continuité (familiale, sociale, historique).

3) Diderot, qui admirait les comédiens tout en s’en méfiant, a-t-il lui-même eu l’occasion de jouer la comédie ? (Philippe C., Saint Tropez)

C. V.-A. : Michel Delon, qui connaît Diderot mieux que moi, saura sans doute répondre à cette question. Le « théâtre de société », dont le principe est de faire jouer des « amateurs » (dans tous les sens du terme), se rencontre plutôt dans des cercles mondains aristocratiques (hôtel de Brancas, Mme de Pompadour), ou chez des auteurs comme Voltaire lui-même.

M. D. : Oui, il évoque fugitivement une expérience sur les planches, sans doute d’un théâtre de société, c’est-à-dire un théâtre privé.

4) Le vieillard tahitien, à la fin du Supplément au Voyage de Bougainville, doit-il être considéré comme un porte-parole de Diderot? Son éloge de l'ignorance face aux «inutiles lumières», de la simplicité naturelle contre le superflu, permet-il de ranger Diderot, aux côtés du Rousseau du Premier Discours, parmi les contempteurs des Lumières et de leur foi dans la Civilisation? (Philippe L., Avenay)

C. V.-A. : Diderot, contempteur des Lumières ? Il me semble impossible d’aller jusque-là ; mais « les lumières » ne sont pas « les Lumières », et certaines « lumières » ne sont pas « toutes les lumières ».

Diderot a tout fait pour défendre l’idée que les connaissances, scientifiques, techniques, mais aussi d’ordre moral, sont indispensables à la société : en témoignent les 28 volumes in-folio de l’Encyclopédie… Mais que la « civilisation » (même sans majuscule ; le mot n’est employé en ce sens que tardivement, mais l’idée existe) européenne se croie abusivement la seule légitime, qu’elle impose ses normes, notamment religieuses et morales, à tous, voilà qui est suspect à ses yeux, et ce que dit le sage Tahitien.

Faire d’un personnage un porte-parole de l’auteur est toujours une tentation ; on sait combien il faut s’en méfier par principe, surtout quand on a affaire à des auteurs du siècle des Lumières, qui ont souvent recours à des voies (ou voix ?) obliques (Usbek et Rica sont-ils les voix de Montesquieu ?). Diderot, qui aime à se représenter comme rebelle à toute représentation figurée, qui use comme d’un leurre de la figure de Moi dans Le Neveu de Rameau, qui joue de la notion même de personnage romanesque dans Jacques le Fataliste, mais qui, il est vrai, aime bien « raisonner », peut trouver là un moyen de jouer. C’est bien Diderot en tout cas qui incite son lecteur à réfléchir et à remettre en cause sa supériorité innée et évidente d’Européen.

M. D. : Aucun personnage dans les œuvres de Diderot n’est proprement son porte-parole, pas même Moi dans Le Neveu de Rameau, ni le personnage nommé Diderot dans Le Rêve de d’Alembert. Le vieillard prouve la poursuite d’un dialogue sourd entre Diderot et Rousseau, tout brouillés à mort soient-ils. Dans l’Encyclopédie, Diderot a consacré vingt ans de sa vie aux Lumières et à leur diffusion, ce qui ne l’empêche pas de rester sensible aux dangers d’une uniformisation consommatrice de tous les pays. Il croit à la «civilisation», tout en étant conscient des risques d’affadissement et de perte de la liberté première. Il apporte aux Lumières un soutien critique.

5) Jacques Attali, dans son dernier ouvrage consacré à Denis Diderot, prétend que Jean-Jacques Rousseau ne rendait visite à son «ami» emprisonné à Vincennes que pour lui soutirer des idées, et que Diderot est le principal auteur du Discours sur les Sciences et les Arts. Cette thèse est-elle communément admise ou n’appartient-elle qu’à Attali ? (Jacky R., Roubaix)

C. V.-A. : On a depuis longtemps contesté le récit que Rousseau a fait de l’épisode dans les Confessions : scène largement réécrite et dramatisée, on le sait. Par ailleurs, des amis de Diderot auraient recueilli des confidences selon lesquelles c’est lui qui aurait soufflé à Rousseau l’idée de répondre « non » à la question posée par l’académie de Dijon, si « le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». Et selon un cliché complaisamment répandu à l’époque, Diderot se serait lancé comme à son habitude dans un monologue passionnant et riche d’aperçus fulgurants – dont Rousseau n’aurait pu que profiter. La scène n’a pas eu de témoin…

Mais Diderot lui-même se garde bien d’aller aussi loin : d’après la Réfutation d’Helvétius (1773), il se serait contenté de dire à Rousseau : « vous prendrez le parti que personne ne prendra » ; les termes sont les mêmes dans l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron, encore plus tardif (1782). Or Diderot n’avait aucune raison de ménager Rousseau et de ne pas réclamer ce qui lui était dû, et beaucoup plus tôt.

Conclure de tout cela que Diderot serait, même partiellement, l’auteur du Premier Discours relève donc d’une mauvaise information, fondée sur des sources peu fiables ou mal interprétées, et sur la méconnaissance du contexte. L’amitié sincère et profonde de Diderot et de Rousseau à l’époque n’est pas contestable (ce n’est pas pour lui soutirer des idées que Rousseau allait voir Diderot à Vincennes, à l’autre bout de Paris). Et Rousseau n’avait besoin de personne pour écrire un chef-d’œuvre. Que dans la chaleur de la discussion, les idées se soient affinées, développées, renforcées, c’est évident. Mais que Rousseau ait emprunté, voire volé ses idées à Diderot, cela ne tient pas. Sur le pillage de l’œuvre d’autrui, seuls des spécialistes en la matière peuvent parler avec tant d’assurance.

M. D. : Il faut éviter de perpétuer les simplifications polémiques entre rousseauistes et diderotiens. La thèse répétée par J. Attali est celle, déjà, de Marmontel et des ennemis des Rousseau. Diderot a conseillé celui qui était son ami et a pensé comme un «paradoxe» ce qui est devenu pour Rousseau une conviction fondatrice.

6) Quel titre serait le plus judicieux à travailler pour cerner l'œuvre de Diderot, dans le cadre de la préparation du bac de Français? (Laurence C., Renwez)

C. V.-A. : Je ne connais pas assez les exigences actuelles du bac de français pour répondre avec certitude. La Religieuse peut-elle encore parler à des jeunes, en France ? C’était une évidence il y a quelques années, les échos sont moins favorables aujourd’hui (ou est-ce dû à l’adaptation de Nicloux ?). Le Supplément au Voyage de Bougainville doit rester assez «efficace», tout en constituant une mine de réflexions et en s’intégrant à diverses questions générales.

M. D. : Soit un grand roman comme Jacques le fataliste, soit un conte plus court comme Les Deux Amis de Bourbonne ou bien l’Entretien d’un père avec ses enfants. Ces deux types de texte montrent bien qu’on ne peut séparer étude formelle et discussion intellectuelle ou morale. Le travail sur un passage particulier doit bien être mis en relation avec l’ensemble de l’œuvre dans son apparent décousu, dans le feuilletage des niveaux de récit et dans la confusion des voix.

Le Neveu de Rameau est un texte passionnant, mais il me semble, par expérience, difficile à enseigner. Il exige trop d’explications de détail. La Religieuse risque de déchaîner des débats violents sur la place de la religion dans la vie sociale: Suzanne Simonin est une jeune femme qui arrache son voile.

7) À l'heure où Internet nous donne la possibilité d'accéder à une infinité d'informations, le parallèle avec l'idéal révolutionnaire encyclopédique de Diderot me semble particulièrement intéressant. Comment suggérez-vous d'aborder ce thème avec les classes de Seconde, qui étudient la Révolution française en histoire ? (Isabelle F., Ronchin)

C. V.-A. : L’association entre « révolutionnaire » et « encyclopédique » ne me paraît pas évidente (l’Encyclopédie révolutionnaire dans beaucoup de ses principes, comme démarche intellectuelle et comme outil au service d’une cause, oui ; mais au sens de la Révolution française ?) ; et je ne comprends pas bien le lien avec internet. Peut-être Michel Delon le voit-il mieux que moi.

M. D. : L’idéal encyclopédique est-il «révolutionnaire» ? Oui, au sens où il bouleverse une ancienne hiérarchie des connaissances, donc des privilèges institutionnels. Mais non sans doute, si ce bouleversement signifie la violence sociale. Diderot suggère parfois la nécessité d’une «régénération» violente, mais l’idéal encyclopédique propose une voie réformiste ou, du moins, réformatrice, qui voudrait éviter cette violence.

Il faut rappeler que la diffusion de l’Encyclopédie reste limitée et que l’ouverture de l’information qui s’y opère ne peut être comparée qu’avec prudence à la prise de parole sur Internet, qui ressemble plutôt à l’explosion des pamphlets et des journaux à partir de 1789. Il faut aussi rendre sensibles les élèves aux dangers d’une vision finaliste et téléologique de l’histoire. La clarté pédagogique exige de présenter une causalité historique et un minimum de finalisme, mais l’histoire doit aussi apprendre à se méfier des explications linéaires.

8) En Première « pro » (lycée professionnel), les élèves ont un objet d'étude intitulé : «Les philosophes des Lumières et les combats contre l'injustice». Le Neveu de Rameau peut-il participer à cette réflexion, pour des jeunes qui connaissent peu la philosophie ? (Fausto A., St Jeure d’Ay)

C. V.-A. : Je ne suis pas sûre que Le Neveu de Rameau soit l’œuvre la plus efficace pour en parler : certes il y est question de l’injustice sociale, mais au cœur d’une telle remise en cause de la société en général, des normes, voire de l’énonciation elle-même… Voltaire paraît tout désigné, avec l’Affaire Calas et le Traité sur la tolérance, mais aussi différents pamphlets ou des contes, comme Zadig. C’est moins original, mais je trouve que Le Neveu de Rameau est tellement difficile à saisir…

Mais on peut penser aussi à La Religieuse : comment l’individu est-il puni sans être coupable ? Comment s’extraire d’un système qui vous broie ? Pourquoi la voix de la justice reste-t-elle inaudible ? Ce sont des questions essentielles.

M. D. : Je réponds à une question précédente en soulignant la difficulté pédagogique du Neveu de Rameau. Il faudrait montrer comment Jean-François Rameau est aliéné par la misère et ne cherche aucunement à changer cet état de fait, il voudrait simplement profiter de l’injustice. Le texte permet aussi d’étudier la difficile position de celui qui ne se nomme pas encore «intellectuel» : il a échappé à la misère, a atteint une relative aisance et cherche à dénoncer un état social injuste. C’est la confrontation du cynisme de l’un et du moralisme de l’autre qui permet de rendre visible l’aliénation générale des faibles et des pauvres, mais aussi des femmes et des enfants. Voir le passage sur la pantomime générale. Donc Le Neveu de Rameau peut être étudié, mais suppose un gros travail de préparation et de présentation.

9) Comment expliquer le regain d'intérêt pour Diderot, qui fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques alors que sa langue et son esthétique sont pourtant ardues pour le lecteur d'aujourd'hui ? (Rébecca P., Dompierre les Ormes)

C. V.-A. : N’est-il pas remarquable également que Marivaux soit parmi les auteurs les plus joués, y compris par des amateurs, et qu’il soit régulièrement adapté au cinéma ? Pourtant la langue de Marivaux et son esthétique sont encore plus éloignées des nôtres ; or ses intrigues, qui peuvent paraître artificielles, correspondent en fait à des situations bien vivantes et réelles aujourd’hui. La question de la langue et de l’esthétique ne passent-elles pas au second plan ?

Dans le cas de Diderot, il me semble que doit toujours intéresser son rapport à la littérature, fait de questionnements, à la société, qu’il remet en cause, à la science et à la technique, auxquelles il croit mais sans s’y asservir (il les voit plutôt comme un moyen de libération). Sa philosophie part de détails parfois minuscules et triviaux pour aboutir à une vision d’ensemble qui nous fait perdre nos repères. Ajoutons-y son personnage même, tel qu’on le voit dans sa correspondance, et tel que l’ont constitué ses contemporains : générosité, bonhomie, audace, profondeur sans pédantisme, souci d’être ouvert à la société, utile à ses contemporains et à la postérité. C’est un héros moderne ! Qu’on ait envie de l’adapter me semble donc assez peu étonnant – au théâtre, à la télévision. Mais y a-t-il eu tant d’adaptations au cinéma ? Moins d’une dizaine en quelque soixante-dix ans, me semble-t-il (je suis loin d’avoir tout vu), depuis Les Dames du bois de Boulogne.

Son esthétique est-elle respectée dans les adaptations ? Pour avoir vu quelques mises en scène de La Religieuse au théâtre, je peux seulement dire qu’à mon avis, on est alors surtout intéressé par la situation évoquée et ses enjeux (contrainte, souffrance, découverte de la sexualité, présence du corps, étouffement de l’individu par la société), par la situation d’énonciation (un personnage solitaire, courageux, qui reste d’une étonnante modération – pour ne pas parler d’« innocence », notion complexe). La question d’une esthétique propre à Diderot est alors fort éloignée – sauf dans la mesure où sa plasticité lui permet d’être « adaptée », justement. Si par « esthétique » on entend une conception du personnage et de l’intrigue, c’est le cas.

Un point sur sa langue : elle ne me paraît pas si éloignée de celle du xxie siècle. Elle est beaucoup moins abstraite que celle de Montesquieu, par exemple, qui de plus emploie souvent les mots en des sens spécifiques, ou du moins différents des nôtres ; comment se fait-il que les Lettres persanes aient fait l’objet d’aussi peu d’adaptations ?

M. D. : À une époque de méfiance envers les grands discours explicatifs, Diderot apparaît comme conscient de la complexité du monde et de la nécessité de tenir compte de facteurs contradictoires. Il récuse les traités et les formes fermées. Il établit des liens, des passerelles entre les domaines. Il lie politique et savoir scientifique, invention romanesque et réflexion esthétique. Sa langue est difficile parce qu’elle mime souvent l’oralité (de son temps) et qu’elle ressemble à tout ce qui se fait aujourd’hui pour transcrire une parole vive, ouverte, conflictuelle, séductrice. Son esthétique me semble tout à fait «moderne», elle valorise le collage, la rupture, l’ouverture et ce que nous appelons «l’interactif». J’ai composé un essai, Diderot cul par-dessus tête, pour dire ce dialogue permanent que Diderot a instauré avec la postérité, c’est-à-dire nous.

Présentation de Catherine Volpilhac-Auger et Michel Delon

Catherine Volpilhac-Auger, professeur de littérature française à l'ENS de Lyon, est spécialiste d'histoire des idées et de la littérature au XVIIIe siècle. Elle a en particulier travaillé sur l'image de l'Antiquité au XVIIIe siècle et sur Montesquieu, dont elle codirige la grande édition critique des Œuvres complètes (22 volumes) et dont elle a donné plusieurs ouvrages en collection Folio classique. Elle s'est intéressée à Diderot et l'Antiquité et prépare actuellement, en collaboration avec Myrtille Méricam-Bourdet, une anthologie d'articles de Diderot parus dans l'Encyclopédie pour la collection Folio classique et, avec Nadine Pontal et Christine André, une exposition à la Bibliothèque Diderot (Lyon) : «Des savoirs et des images : nouveaux regards sur l'Encyclopédie».

Elle a publié Débats et polémiques autour de L’Esprit des lois, colloque d’avril 2010 (ENS de Lyon), Revue française d’histoire des idées politiques 35 (2012), C. Volpilhac-Auger dir., Un auteur en quête d’éditeurs ? Histoire éditoriale de l’œuvre de Montesquieu (1748-1964), ENS Éditions, « Métamorphoses du livre », 2011, avec la collaboration de G. Sabbagh et F. Weil C. et le Dictionnaire Montesquieu.

Michel Delon est professeur de littérature française du XVIIIe siècle à l’Université Paris IV-Sorbonne et, depuis 2012, docteur honoris causa de l'Université de Bonn. Il est spécialiste du siècle des Lumières, en particulier de l’histoire des idées et de la littérature libertine. En savoir plus

Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur cette époque et a édité, entre autres : le Dictionnaire européen des Lumières (1997) ; dans la Bibliothèque de la Pléiade : les Œuvres de Sade, ainsi que, de Denis Diderot, Contes et romans et Œuvres philosophiques ; et, de ce dernier auteur également, dans la collection Folio classique : Le Neveu de Rameau, Salons, Supplément au Voyage de Bougainville et Les deux amis de Bourbonne et autres contes.
Il vient de publier Diderot cul par-dessus tête aux Éditions Albin Michel et Diderot et ses artistes aux Éditions Gallimard.

Ouvrages de Diderot au programme du lycée

Quatre ouvrages de Denis Diderot sont à recommander dans le cadre des programmes de Seconde («Genres et formes de l'argumentation : XVIIe et XVIIIe siècles ») et de Première («La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIe siècle à nos jours»), dans la collection Folio classique :

 

Le Neveu de Rameau
Édition de Michel Delon

Ce dialogue, qui est presque un roman, Diderot l'écrit au sommet de son art, à près de soixante ans, et le revoit encore dix ans plus tard. Il met aux prises deux personnages seulement, «Moi», et le Neveu. Ce personnage se dédouble sans cesse : qu'est-ce qu'un homme qui prétend ne pas avoir de conscience, ne pas avoir d'unité, mais qui a en même temps une sensibilité esthétique, celle d'un musicien averti ? Diderot mêle la grosse plaisanterie, les motifs et les sujets les plus divers, la lutte contre les adversaires des philosophes, dans cette mise en scène d'une conversation sans fin. Le Neveu pose des questions importantes, et soudain, pour notre amusement, l'argumentation déraille. «Moi» est fasciné par ce bouffon sublime. Ainsi va cet enchaînement de numéros, de pantomimes, cette fausse pièce, ce faux roman, où l'auteur a mis, sous une allure burlesque, toute sa vie, tout son cœur et tout son esprit.

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Supplément au Voyage de Bougainville
Édition de Michel Delon

Les Tahitiennes sont fières de montrer leur gorge, d'exciter les désirs, de provoquer les hommes à l'amour. Elles s'offrent sans fausse pudeur aux marins européens qui débarquent d'un long périple. Dans les marges du récit que Bougainville a donné de son voyage, Diderot imagine une société en paix avec la nature, en accord avec elle-même. Mais l'arrivée des Européens avec leurs maladies physiques et surtout morales ne signifie-t-elle pas la fin de cette vie heureuse ? Entre l'information fournie par Bougainville et l'invention, Diderot fait dialoguer deux mondes, mais il fait surtout dialoguer l'Europe avec elle-même. Il nous force à nous interroger sur notre morale sexuelle, sur nos principes de vie, sur le colonialisme sous toutes ses formes. Il nous invite à rêver avec lui à un paradis d'amours impudiques et innocentes. La petite île polynésienne ne représente-t-elle pas la résistance à toutes les normalisations ?

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La Religieuse

 

La Religieuse
Édition de Robert Mauzi

«"Chère mère, lui dis-je, qu'avez-vous ? vous pleurez ; que je suis fâchée de vous avoir entretenue de mes peines !..." À l'instant elle ferma ma porte, elle éteignit sa bougie, et elle se précipita sur moi. Elle me tenait embrassée ; elle était couchée sur ma couverture à côté de moi...
- Chère mère, lui dis-je, qu'avez-vous ? Est-ce que vous vous trouvez mal ? Que faut-il que je fasse ?
- Je tremble, me dit-elle, je frissonne ; un froid mortel s'est répandu sur moi.
- Voulez-vous que je me lève et que je vous cède mon lit ?
- Non, me dit-elle, il ne serait pas nécessaire que vous vous levassiez ; écartez seulement un peu la couverture, que je m'approche de vous ; que je me réchauffe, et que je guérisse.»

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Jacques le Fataliste et son maître
Édition d'Yvon Belaval

«Jacques : Je ne sais si je la violai, mais je sais bien que je ne lui fis pas de mal, et qu'elle ne m'en fit point. D'abord en détournant sa bouche de mes baisers, elle l'approcha de mon oreille et me dit tout bas : "Non, non, Jacques, non..." À ce mot, je fais semblant de sortir du lit, et de m'avancer vers l'escalier. Elle me retint et me dit encore à l'oreille : "Je ne vous aurais jamais cru si méchant... mais du moins, promettez-moi, jurez-moi...
- Quoi ?
- Que Bigre n'en saura rien."
Le maître : Tu promis, tu juras, et tout alla fort bien.
Jacques : Et puis très bien encore.
Le maître : Et puis encore très bien ?
Jacques : C'est précisément comme si vous y aviez été.»

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Les deux amis de Bourbonne et autres contes
Édition de Michel Delon

Le conteur «parsèmera son récit de petites circonstances si liées à la chose, de traits si simples, si naturels, et toutefois si difficiles à imaginer que vous serez forcé de vous dire en vous-même : ma foi, cela est vrai, on n'invente pas ces choses-là». Diderot met en pratique la poétique qu'il énonce. D'un détail, il donne vie à deux contrebandiers, à des amants mal assortis, à une femme qui refuse les accommodements de la société. De ces personnages de son temps, il fait des héros dignes des tragédies antiques. Loin des bienséances et des règles classiques, ils incarnent l'Amitié, l'Amour, le Respect de soi. Quelques pages suffisent à Diderot pour donner l'illusion de la réalité et esquisser une poétique.

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