«Deux approches successives pour relire l'œuvre de Matisse et en proposer une interprétation.
Dans un premier mouvement, c'est la vie du peintre qui est traversée, discontinûment, en partant de moments où se sont formés des nœuds de signification, souvent conflictuels et toujours mus par une inquiétude qui a permis à la tension créatrice de se reformuler. De ce cheminement biographique et, plus particulièrement, du témoignage de documents d'archives, ressort la genèse d'un incessant travail : celui par lequel le peintre a voulu instaurer un nouveau régime (comme on le dit d'un moteur) du rapport à l'image, en sapant les fondements de ce qu'avait conçu et vécu l'Occident depuis la Renaissance ; en refusant d'assumer la prétention des images à dire le monde et à s'inscrire par là dans une hiérarchie des essences ; en préférant s'appuyer sur l'aptitude de toute activité plastique à susciter et démultiplier les rapports. Ce que dit l'idée de décoration, formidablement ambitieuse dans son humilité.
Par la seconde approche, plus brève, l'œuvre n'est pas abordée dans leur genèse mais dans leur actualité : y voir, y entendre résonner ce qui l'anime et la rend animante, ce qui la met en mouvement et ce qui y met en mouvement le regard. [...] D'un même et paradoxal élan, il construit et déconstruit, affirme et met en question, et cette double polarité est aussi ce qui déchire mais structure, replie mais déploie, libère la matière de ce qu'il fait.»
Rémi Labrusse.