«De Raymond Hains, n'importe quel dictionnaire contemporain vous apprendra (et cela ne vous avancera guère) qu'il compte au nombre des artistes français les plus singuliers du siècle tout juste passé et que la formidable longévité de son talent lui permet de prétendre inscrire son nom aux annales nouvelles du siècle qui vient juste de commencer. Le même dictionnaire (ou un autre) vous dira comment, né à Saint-Brieuc en 1926, Hains développe depuis maintenant près de soixante ans une œuvre unique qui se décline en expositions étranges aux quatre coins du pays et aux deux bouts de la planète. Et si la mémoire paresseuse des encyclopédies retient surtout de lui qu'il fut associé aux grands jours du Nouveau Réalisme, qu'on lui doit de célèbres affiches arrachées renouvelant en leur temps (les années cinquante et soixante) la déjà vieille invention du ready-made, l'essentiel, comme toujours, est probablement ailleurs : dans un long travail déguisé sous les apparences légères d'un jeu et portant sur la texture analogique du monde, travail commencé du côté de la photographie, poursuivi dans la compagnie des peintres et des plasticiens, se développant enfin selon la singularité insolite d'une démarche tellement libre et parfois incongrue qu'elle conduit à reconsidérer - en toute ironie mais avec le plus grand sérieux - le statut et la signification de l'objet d'art au temps de sa reproduction, au temps de sa dissolution.»
Philippe Forest.