Un manuscrit de Delacroix, conservé depuis la mort de l'artiste dans les papiers de son ami intime et exécuteur testamentaire Achille Piron, vendu en décembre 1997 par ses descendants et acquis à cette occasion par la Bibliothèque nationale de France, vient d'être complété, en novembre 1998, par un autre manuscrit, conservé dans une collection privée, identifié grâce au musée des Beaux-Arts de Tours et qui porte le titre même imaginé par Delacroix : Souvenirs d'un voyage dans le Maroc. Ces deux fragments miraculeusement réunis se complètent donc pour former un ensemble incomparable et tout à fait fondamental pour la connaissance de plus grand peintre-écrivain du XIX<sup>e</sup> siècle.
L'édition critique ici proposée, où toutes les variantes sont répertoriées à la fin du texte, permettra de saisir par l'exemple cet aspect de la création littéraire chez l'artiste. Delacroix n'a jamais raconté en continu son voyage de 1832 en Afrique du Nord, sinon fragmentairement dans des lettres à ses amis et des carnets qu'il emporta sur place où, au jour le jour, le texte se mêle étroitement à l'image. Ici, dix ou douze ans après cette expérience décisive, il se la remémore, d'ailleurs à partir de cette documentation primitive, dont on retrouve par endroits la trace directe.
Si les faits évoqués sont aussi connus par d'autres sources, c'est leur mise en relation qui s'avère passionnante. Mais au-delà d'un irremplaçable témoignage, ce texte révèle en réalité des pans entiers de la personnalité intime de Delacroix, de ses idées politiques à sa conception de l'œuvre d'art.