«Publier ensemble les deux Correspondances de Martin Heidegger – avec Karl Jaspers (1920-1963) et avec Elisabeth Blochmann (1918-1969) – a le mérite très particulier de donner à connaître Heidegger sous deux aspects certes distincts, mais en aucune manière divergents.
C'est en effet le même homme qui s'adresse, ici à un aîné puis l'un de ses pairs, avant que ne se distendent des liens qui ne seront pourtant pas rompus complètement, et là à une jeune étudiante puis pratiquante de pédagogie (au sens le plus noble du terme, où il s'agit d'élever à l'humanité), que l'inhumanité de lois iniques va contraindre à quitter l'Allemagne pour Oxford, avant qu'elle ne revienne après la guerre achever sa carrière à Marbourg, sans que jamais elle ne retire sa confiance à celui en qui elle a reconnu un ami vrai.
Tout ce que la première correspondance met au jour d'incompréhension – incompréhension entre deux hommes et deux personnalités –, la seconde correspondance l'a dès le départ surmonté, par un "élan" et une confiance mutuelle qui donnent à l'échange l'inimitable ton de l'amitié.
S'il n'a pas été donné à Heidegger et à Jaspers de devenir de vrais amis, la correspondance avec Elisabeth Blochmann révèle quelle place éminente pouvait tenir l'amitié dans l'existence et donc, secrètement, dans la pensée de Heidegger.»
François Fédier.