Ce bloc-notes n'a rien de commun avec les nombreux ouvrages consacrés jusqu'ici aux événements de mai 1968. Des personnages marginaux et pittoresques «qui préfèrent le moindre mal aux idéaux jurés irréalisables», des clochards, des déracinés, des immigrés inadaptés, ayant connu le dernier tsar Staline et Hitler et assisté à «plusieurs fins du monde», commentent, en témoins désabusés, l'explosion du printemps passé. Faisant parler ceux que leur propre lassitude ainsi que les conformismes de droite et de gauche condamnent d'habitude au silence, ne prenant lui-même aucune position politique, fuyant les rondeurs des terminologies éculées, l'auteur de Sang du ciel se révèle de nouveau comme un poète.
En dépassant ainsi l'événement, Piotr Rawicz livre une méditation sur les données premières de la condition humaine. Ce livre sur mai 1968 est également un poème sur la solitude, sur
l'impossibilité et le besoin d'aimer.