«Analyser en détail les quatre premiers romans de Chrétien, Érec et Énide, Cligès, Le Chevalier au Lion (Yvain) et Le Chevalier de la Charrette (Lancelot), serait aussi présomptueux qu'impossible. Il a paru plus efficace d'en étudier pour chacun la forme neuve, la torsion nouvelle que Chrétien impose à un univers de référence à peu près fixé à partir d'Érec et Énide. Nous ne chercherons donc pas à retrouver dans cette œuvre si éclatée un parcours esthétique concerté et encore moins un message unifié sur l'amour, le pouvoir, l'aventure, etc. Il nous semble au contraire que la fascination qu'a exercée Chrétien sur son premier public sans doute, sur les écrivains du XIII<sup>e</sup> siècle à coup sûr, puis sur la critique du XX<sup>e</sup> siècle, et qu'elle exerce encore, espérons-le du moins, sur un public moderne, tient avant tout à sa diversité, à l'aspect caméléon d'un auteur en quête de public, qui paraît avoir saisi sa chance et l'air du temps à chaque nouvel essai, sans chercher d'autre cohérence, d'autre signature qu'une paradoxale liberté d'inventions, de recadrages, de déplacements imprévus dans le monde clos qu'il s'est lui-même créé.»
Emmanuèle Baumgartner.