Sans conteste, Jürgen Habermas est l’un des derniers intellectuels majeurs au niveau international. «Défenseur de la modernité» et conscience publique de la République fédérale», il est aussi un éminent penseur de l’Europe.
Par ses monographies et nombreux articles, recueillis en volumes, traduits dans plus de quarante langues, il s’est acquis, en tant que philosophe, une réputation mondiale et, en tant qu’auteur, il a reçu un écho qui excède de loin le monde académique. Un tel constat conduirait aisément à en inférer que sa biographie devrait au fond être celle de son œuvre. Mais si cette vie fascine, c’est qu’elle ne peut aucunement se résumer à une pile de livres savants.
En effet, Habermas a toujours plus quitté l’espace protégé de l’univers académique pour endosser le rôle du polémiste pugnace, et peser de cette façon sur l’histoire des mentalités de l’Allemagne et de l’Europe. Aussi l’ouvrage de Stefan Müller-Doohm, à qui l’on doit déjà une biographie d’Adorno, noue-t-il deux trames : d’une part la description des allers-retours sinueux entre activité professionnelle principale et activité seconde, et d’autre part l’interdépendance entre les évolutions de la pensée du philosophe
et les interventions de l’intellectuel public dans le contexte de son temps.
L’action conjuguée de la réflexion philosophique et de l'intervention intellectuelle, qui caractérise l’activité de Jürgen Habermas, explique que cette biographie soit celle tant d’une vie que d’une œuvre en devenir perpétuel.