Voici un livre où se découvrent l’humour laconique et glacé de son auteur, l’acuité de sa vision, son impudence. La voix d’un artiste, mieux qu’aucun autre capable de nous atteindre à vif.
À la mort de Calet, pour un grand journal du matin, je dus écrire ces quelques lignes, où je ne trouve rien, après vingt-trois ans, que je ne puisse, avec le même étranglement d’émotion, resigner :
« Pour faire comme tout le monde, il sucrait son café. Rien qu’une tasse de café. Brève. Possible. Mais qui fait battre le cœur et ouvre les yeux, beaucoup trop bien. Il est mort de ce café, d’une qualité incomparable. Il avait la pâleur de Raymond-la-Science, celle aussi de Buster Keaton. Il savait où il allait. Où nous allons. Sans réaction. Aboulique. Debout néanmoins. Tout cela en bon français. Sobre. Correct. Possible. »
Bien plus encore que de Céline ou de Chaplin (comme on l’a dit), ah ! Bien plus proche, c’est sûr, de Fénéon ou de Satie. Salut, lecteur ! Ouvre ce livre, et bientôt saluons ensemble, les yeux dans les yeux, cet affranchi.
Francis Ponge