«Lucien parcourait la place [...] fasciné par tous ces jeunes gens qu'il regardait comme s'il eût cherché parmi eux tous quelqu'un de connu. C'était, pour la plupart, de petits paysans venus le matin à pied par la route, en bandes, conduits par un violoneux. [...] Ils étaient dans les cafés, ou déjà rentrés chez eux porter à leurs parents la nouvelle : bons service armé ou ajournés. [...] Des petits malingres portaient à leur chapeau le signe de la mort prochaine. Comme ils avaient l'air peu guerriers, cependant, peu faits pour la mort. Comme ils paraissaient peu se douter de la mort!»
Louis Guilloux, Le Sang noir.
«... Avec Le Sang noir, tout bascule. Le jeu de patience se renverse en un jeu de massacre. C'est toujours la même ville, Saint-Brieuc. C'est peu ou prou la même époque : 1917. Ce sont les êtres de chair et de sang que Guilloux a côtoyés et connus [...]. Mais changés en bêtes comme par le méchant magicien des contes, métamorphosés, méconnaissables. Les rues blêmes de "Cloportgorod" grouillent désormais de monstres engendrés par une nouvelle poétique qu'on pourrait appeler une poétique du pire.»
Philippe Roger, «Les secrets de Louis Guilloux».