Tout le monde sait que la musique existe. Mais où exactement se trouve-t-elle ? Notée sous forme de partitions, elle est chez vous, chez moi, chez les marchands de musique. Mais cette existence n’est que latente, virtuelle tant qu’elle n’est pas jouée. Quand elle est interprétée au concert, à l’opéra, dans un salon, elle se déroule à l’intérieur d’un espace défini et pendant le temps que dure son exécution. En fait, cependant, elle ne se situe pas dans cet espace et son temps n’est pas celui de l’expérience quotidienne.
Paradoxalement cet art éphémère entre tous exige un code d’une précision extrême et, pour être noté et interprété, des systèmes et des techniques complexes et difficiles. On sait qu’il faut des années, voire des décennies pour faire d’une personne même douée un pianiste, un violoniste, un chef d’orchestre, un chanteur. Parvenus à ce qu’il est convenu d’appeler la maîtrise de leur art, ces musiciens continuent néanmoins à éprouver des difficultés et des incertitudes. Les raisons d’un tel état de choses sont faciles à comprendre : le compositeur, dont les oeuvres constituent la raison d’être de l’interprète, exige de celui-ci un effort de lecture qui est une des tâches les plus ardues qui soient. On peut dire qu’aucun interprète n’a jamais fini de déchiffrer un texte et qu’il réussit rarement à se confondre avec ce texte, à devenir le double du compositeur.
Introduire un peu de clarté en ce domaine jusqu’à présent relativement peu exploré, tel est le but que se propose le présent ouvrage.
R.L.