Elle a longtemps échappé aux radars de l'histoire de l'art. On découvre aujourd'hui avec Anna-Eva Bergman (1909-1987) une peintre d'importance majeure qui a investi dans son œuvre une ambition sacrée, presque mystique. Sa vie, racontée pour la première fois grâce à une enquête au cœur de ses archives, est hors norme : une enfance norvégienne sous le signe de la peur ; une jeunesse bohème et aventureuse à travers l'Europe ; une carrière d'illustratrice ; des démêlés avec l'Allemagne nazie ; une lutte acharnée avec une santé défaillante ; trois mariages, dont deux avec le même homme - Hans Hartung - à vingt-huit ans de distance ; une fin tragique dans la splendeur de sa villa d'Antibes.
Mais, surtout, Anna-Eva Bergman, c'est une vie dédiée à la création, loin des modes. Elle est aujourd'hui l'objet d'un engouement spectaculaire et sa cote s'envole. Il n'en a pas toujours été ainsi. Insuffisamment reconnue dans son pays d'origine, défendue par quelques rares alliés en France et en Europe, elle fera une très honorable carrière, certes, mais en sourdine, souvent dans l'ombre. Elle a beau croiser la route de Kandinsky, Soulages ou Rothko, elle demeure marginale. Caractérisés par l'emploi de feuilles d'or et d'argent et le rythme de la ligne, ses tableaux sont des évocations hiératiques et simplifiées, radicales, des grandes forces structurantes de l'univers - les éléments, les minéraux, le temps ... Elle a laissé une quantité considérable de documents (la plupart en norvégien) qui permettent de comprendre enfin cette femme, dans la complexité de son être, le drame de son existence et la magnificence de son œuvre.