Inaugurée en 1894 avec le «Journal de bord», l'entreprise des Cahiers connaît un temps fort quand Valéry envisage une synthèse de ses idées clés et avoue «l'envie de finir par écrire et publier carrément Le Système». Il ouvre en 1897 un grand registre, augmenté jusqu'en 1900 de feuilles volantes, qui sera titré «Tabulae meae Tentationum» : Tables des tentations et des tentatives, des essais, des expériences, où la volonté de rigueur et les ébauches de rédaction méthodique se mêlent aux fragments
poétiques et aux aphorismes. Au plus loin du mythique «Silence» valéryen, un des attraits de «Tabulae...» est le libre jaillissement d'une écriture aux multiples codes. Mais, secrètement, ce cahier porte aussi le reflet d'une intense ferveur et d'un drame : en septembre 1898, la mort soudaine de Mallarmé brise à la fois une amitié et une aventure intellectuelle. Avec l'interlocuteur idéal, disparaissent des conversations amorcées sur le langage, le pouvoir, le possible. La rédaction de l'Essai sur Stéphane Mallarmé, dont l'essentiel est ici publié en annexe, est définitivement abandonnée. Depuis cette mort, dira Valéry, «je porte en moi, quelque moi dont je ne sais plus rien».
Ce deuxième volume de l'édition typographique intégrale des vingt premières années des Cahiers est dû, comme le premier, à une équipe internationale et interdisciplinaire de chercheurs, et réalisé avec le même souci de prendre en charge les aspects originaux du manuscrit dont quelques pages sont reproduites en fac-similé, ainsi que les dessins.