On ne cuisine, ni ne mange jamais innocemment. Quand vient l’heure du Comté, je pense à mon frère Michel qui, tous les jours, accompagne ses montbéliardes quelque part aux confins du Jura et de la Bresse, dans un petit village noyé de verdure, celui de notre enfance, le Val d’Epy.
C’est qu’il a une longue et belle histoire ce fromage. Voilà près de neuf siècles, des hommes et des femmes ont décidé de faire fructifier, en commun, le lait de leurs troupeaux pour moins subir la rudesse des longs hivers. Chaque fois que vient l’heure du Comté, je me retrouve envahi d’odeurs d’étable au moment de la traite, aussitôt entouré d’une atmosphère de beurre et de petit lait. Chaque Comté est unique. Bien sûr, celui de la Petite montagne sera toujours plus caressant que celui du Doubs, mais chaque Comté est la promesse d’un monde, chaque meule une roue symbolique qui dit la poésie des choses.